La colonisation-les mahonnais en Algérie
Monsieur Guy TUDURY a fait paraître en 1992 : « La prodigieuse histoire des Mahonnais en Algérie ». Ce livre contient des reproductions des lettres échangées entre l’administration centrale et les consuls délivrant les visas. Vous trouverez ci dessous la reproduction de correspondances qui ne manque pas de sel !!!
Régence d’Alger
Intendance Civile
Alger, le 6 Novembre 1832
Monsieur le Consul général.
L’ordre que vous avez reçu de S.E. le Ministre des Affaires étrangères qui défend de viser les passeports aux Espagnols pour les ports de la Régence d’Alger fut sollicité dans le temps par messieurs les Généraux Berthezéne et Boyer. Le but de ces autorités était d’empêcher à Alger et Oran l’affluence d’une population sans ressource et dont la présence pouvait devenir pour la colonisation un obstacle plutôt qu’un moyen.
Un an d’expérience nous a démontré que la décision du Ministre des Affaires étrangères aurait besoin de quelques modifications. D’abord nous avons remarqué que les Espagnols qui ont trouvé le moyen de pénétrer dans la Régence sont des gens qui, à Alger, Oran et Bône exercent la plus grande partie des professions utiles. Un peu de complaisance de votre part, Monsieur le Consul général, pour les hommes pourvus de quelques moyens d’existence tel qu’un petit capital, des marchandises, une profession, ne violerait pas l’esprit de la décision sollicitée par nos prédécesseurs et vous ne vous désobligerez nullement en leur accordant des passeports.
Vis-à-vis des femmes surtout, si elles étaient jeunes, une indulgence plus grande de votre part rendrait maintenant un véritable service à notre armée. Les soldats qui la composent sont tous jeunes et peu occupés ; deux circonstances qui leur font regretter plus vivement les passe-temps et les douceurs dont ils jouissaient dans la mère patrie. Le devoir des chefs est de chercher un remède à ces regrets pour empêcher les dérèglements et la nostalgie qui en sont les suites terribles.
Le plus infaillible de nous tous peut être réprouvé par une morale austère ; mais la charité compatit à des besoins qu’elle ne peut réprimer. L’intérêt, bien entendu finit par les diriger au profit d’une morale plus large. La tolérance pour certaine faiblesse du soldat est la sauvegarde de son courage, de la santé et la discipline. C’est par elle qu’à Alger et Oran des troupes nombreuses se sont maintenues en contact avec la population indigène sans qu’aucun scandale ne soit venu affliger la jalousie des Maures ou des Juifs.
A Bône, ce malheur serait possible puisque la population indigène a émigré presque en totalité. Tous les autres inconvénients de la rareté des femmes sont imminents pour la garnison. Aussi, c’est surtout aux Espagnols qui voudraient se diriger vers Bône que le Conseil supérieur d’administration vous prie de ne pas refuser de passeports. A Bône, en comptant les femmes de tous âges qui s’y trouvent actuellement, une pour soixante trois hommes.
Le Maître de requêtes au Conseil d’Etat, Intendant civil de la Régence.
Le Consul de France à Palma : A. Linares.
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Pour copies conformes.
Lettre au vice-Consul de Ciutadella :
Palma, le 6 Décembre 1832
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous envoyer la copie d’une lettre que je viens de recevoir de Monsieur l’Intendant Civil de la Régence à Alger. Vous jugerez que cette lettre n’est pas de nature à être publiée ; vous y verrez que des considérations puissantes font désirer que des femmes encore jeunes puissent se rendre à Alger et notamment à Bône. Vous voudriez donc ne pas refuser le visa des passeports à toutes celles qui annonceraient l’intention d’aller en Afrique. Vous pourrez même, sans en faire l’objet d’une communication officielle, dire ouvertement que vous êtes autorisé à ne point vous opposer au départ pour la colonie française en Afrique, des personnes qui s’y trouvent désignées dans la lettre de Monsieur l’Intendant Civil de la Régence.
Recevez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.
Le Consul de France à Palma : A. LINARES
« Honni soit qui mal y pense »
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