L'Algérie à la BFM de Limoges
BFM de Limoges
Actuellement,à la Bibliothèque mutimédia de Limoges a lieu une expo en rapport avec l'Algérie. On y découvre des aquarelles,dessins et lino gravures de Jean Pierre Bigon,soldat appelé en Algérie ,ainsi que des poèmes d'Antoine Scicluna, français de Tunisie(ancien combattant 39/45 de la 1ère DFL)et des textes en rapport avec notre pays. Celui ci de Marie Elbe,m'a interpelé:
Pieds noirs: une joie d'exister brisée
Peut
être fallait il chercher dans la terrible difficulté des
premiers jours de la colonisation,une joie d'exister typiquement pied
noir. Ils nous prenaient chez eux,perpétuellement à
témoin de ce qui était saveur,beauté du
ciel,parfums,bien être..Ce qu'éprouvaient déjà
leurs pionniers d'ancêtre,à l'ombre du premier arbre
planté,à l'abri du premier toit posé,les mains
dans l'eau du premier puits foré,les pieds dans la motte du
premier sillon tracé. Ces émerveillements et ces
jouissances n'avaient pas eu le temps de s'émousser.
Leur univers?Il s'étirait entre une mer bleue,devant laquelle ils avaient dressé leurs villes éclatantes,et une mer jaune..le Sahara. C'était une île en quelque sorte où essaimaient des villages dont les noms français formaient un hymne à la gloire du sabre,de la plume et du goupillon:Changarnier,Voltaire,Bossuet,Duvivier,Affreville,Victor Hugo. Dans ce pays si vaste,la France était étrangement partout: une rue,une école,une église,la mairie,un marché,les Français au milieu,avec leur gaîté,leur acharnement,leurs conseils. Les Arabes se risquant,installant la mosquée pas loin de l'église,puis des rapports de bon voisinage,des amitiés nouées entre les hommes,sous un ciel qui n'épargnait ni les uns,ni les autres. Chez les Arabes,il y avait la nonchalance maghrébine de ceux qui laissent longtemps macérer leur fatalisme au soleil. Ils remâchaient la confidence,ou bien l'insulte. Nous étions des gens de toute sortes,avant qu'un malheur commun nous modifiât au long de ces huit années de tumulte. Il y avait les gros colons,parfois odieux,les petits colons,parfois communistes,les libéraux infiniment plus nombreux,et que les violences,parfois,rejetèrent dans le camp des''ultras''.
Il y avait ceux qui se contentaient des grands principes,vivant avec une belle sérénité,dans une superbe ignorance des Arabes(à part leur Mozabite épicier et leur femme de ménage) et ceux qui se laissaient porter par les élans de leur cœur.
Voilà ce que nous étions avant que la tornade vint secouer nos belles certitudes: une race adolescente,qui n'allait pas comprendre ce qu'on lui demandait d'expier,le couteau sur la gorge,et dont la révolte irait finalement jusqu'au suicide.
Témoignage de Marie Elbe(historia magazine)
Marie Elbe est une compatriote et a écrit plusieurs livres dont:
"A l’heure de notre mort" a été écrit et édité en 1965 avec un succès considérable, car beaucoup y ont reconnu l’expression même de leur drame. Trente ans plus tard, Marie Elbe, qui a vécu les angoisses du bled, le délire des villes, la furie des rues, l’a refondu et amplifié d’une mémoire intacte, celle de leurs mots, de leurs gestes, de leur douleur, de cet amour immense qu’ils portaient à leur terre et de leur brutal déracinement. Le roman témoin d’une tragédie...