Coupoles d'Alger-La grande Poste
La grande poste d'Alger,
joyau architectural
Tout a débuté en 1903, avec la nomination de Charles Célestin Jonnart au poste de gouverneur général. L’homme est un habitué de l’Algérie. Pour lui, la réussite de la colonisation française passe avant tout par un rapprochement avec les autochtones. Et ce rapprochement se doit d’être avant tout culturel et religieux. Pour ce faire, le gouverneur général Jonnart publie une série de circulaires afin d’imposer un certain style architectural aux constructions publiques. Jonnart devient ainsi l’initiateur d’un nouveau mouvement stylistique aux tendances orientales : le néo-mauresque. En 1904, les constructions scolaires sont les premières concernées par ces décisions administratives. Ce choix n’est pas fortuit car la communauté musulmane a montré certaines réticences envers l’école laïque, instaurée en 1902. L’enseignement religieux doit être surveillé de près et il est urgent de l’adapter à l’enseignement républicain. L’école coranique située à proximité du mausolée de Sidi-Abderahmane, dans la Basse-Casbah, est le premier édifice construit dans le style néo-mauresque. La Medersa, “destinée à l’enseignement supérieur des jeunes indigènes”, a été inaugurée en octobre 1904 par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts. “C’est ainsi que sur les pentes de notre Casbah, dans le quartier même où nous fîmes naguère tant de ruines pour la percée de la rue Marengo, nous élevons en ce moment un superbe monument oriental qui apparaît comme une réparation aux ravages exercés en ces lieux. Ce haut édifice, dont on voit de l’esplanade de Bab-El-Oued se détacher la coupole sur le blanc chaos des maisons arabes, c’est la nouvelle Medersa”, écrit alors un officier français dans une correspondance adressée au maréchal Bugeaud. Charles Célestin Jonnart considère que son initiative est une réussite. Il publie de nouvelles circulaires pour imposer le style néo-mauresque aux constructions administratives et publiques et aux édifices communaux. En 1906, le gouverneur général confie à l’architecte Henry Petit, qui s’est chargé de la construction de la Medersa de la rue Marengo, la réalisation du siège du journal La Dépêche Algérienne, et celle du siège de la Préfecture. Ces deux édifices existent toujours. Le premier a été récupéré par le RND de Ouyahia et le second a gardé sa fonction initiale puisqu’il abrite les services de la Wilaya d’Alger. En 1909, Petit achève la construction du magasin des Nouvelles Galeries, situé rue d’Isly, actuellement Larbi-Ben-M’hidi.
Mais le gouverneur Jonnart veut ériger un monument symbolisant en même temps la puissance du colonialisme, la réussite des Français d’Algérie — qui éprouvent alors un certain complexe envers leurs compatriotes de Métropole — et auquel pourraient s’identifier l’ensemble des communautés. Son initiative est d’ailleurs encouragée par un groupe d’intellectuels piedsnoirs. Les architectes Voinot et Tondoire sont chargés de réaliser ce monument dédié exclusivement aux PTT (Poste, Télégraphe et Téléphone), puissante institution de service public durant l’époque de l’empire colonial français. La nouvelle recette postale doit remplacer l’ancienne poste située rue de Strasbourg, devenue trop exiguë pour une ville en constante expansion. “La Grande- Poste a été édifiée sur les restes de l’ancien fort turc situé sur le bras de mer de Ras Taffoura. De ce fort, il ne reste plus qu’une batterie de canons que l’on peut voir au niveau du parc Sofia. La légende dit que c’est sur la plage de Ras Taffoura que Sidi Ouali Dada a frappé la mer de son gourdin pour déclencher la tempête qui allait faire couler la flotte de Charles Quint”, explique Belkacem Babaci, spécialiste de l’histoire d’Alger. “De part sa situation, la Grande- Poste est devenue le cœur de la ville européenne. A proximité de ce monument, il y avait une statue de Jeanne d’Arc ainsi qu’un buste du duc d’Isly. Sur le plateau des Glières, situé en contrefort, on pouvait voir le monument aux Morts (https://www.founoune.com/index.php/pavois-de-paul-landowski-cachez-moi-cette-oeuvre-ne-saurais-voir/ ) ainsi qu'une belle horloge florale.C’était toute la puissance de la France qui était représentée dans ce quartier d’Alger”, ajoute M. Babaci. Reste que Voinot et Tondoire ont réalisé une magnifique œuvre d’art. Avec sa grande coupole et ses deux faux minarets, la Grande-Poste est d’une beauté saisissante. La façade principale est ornée de trois arceaux et d’une galerie supérieure à colonnes jumelées. Un large escalier de marbre couleur ambre permet d’accéder sur le parvis qui donne sur trois portes monumentales taillées dans du bois précieux. A l’intérieur, le précieux est conjugué à toutes les formes. Avec ses faïences, arcs, coupoles, stalactites et stuc ciselé, le plafond de la salle principale est un joyau architectural. Les plans ont été tracés par les Européens mais l’essentielle de la main-d’œuvre était algérienne et marocaine. Certains ouvriers y laisseront la vie. A l’instar des plâtriers de Guemar, petite oasis de la région de Oued-Souf, passés maîtres dans l’art du stuc ciselé. Pour sa part, Jonnart a tenu à marquer les lieux de son empreinte. “La hauteur de la construction qui a embelli l’œuvre avait été choisie par le gouverneur général Jonnart”, peut-on lire dans des cartouches polychromes. La religion est également très présente dans ce décor oriental à travers les inscriptions suivantes : “Dieu est vainqueur”, “Le pouvoir éternel Lui appartient” ou encore “Il n’y a de puissant que Dieu”. Dans leur œuvre, Voinot et Tondoire auront su allier art, spiritualité et fonctionnalité. Car la Grande-Poste est avant tout un bureau de poste qui offre une multitude de services à la pointe de la technologie du début du XXe siècle .......
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