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2 mai 2020

Le RUA et Albert Camus

 

Le RUA à Alger

Quand le drapeau Français flottait encore sur le club....

Rua 1962 - Copie

 

Albert Camus raconte:

RUA-INSIGNE

Oui, j'ai joué plusieurs années au RUA. Il me semble que c'était hier. Mais lorsqu'en 1940, j'ai remis les crampons, je me suis aperçu que ce n'était pas hier. Avant la fin de la 1ère mi-temps, je tirais aussi fort la langueque les chiens kabyles qu'on rencontre à 2 heures de l'après-midi, au mois d'août, à Tizi-Ouzou. C'était donc il y a longtemps, 1928 et la suite je crois. J'avais débuté à l'Association sportive de Montpensier. Dieu sait pourquoi puisque j'habitais Belcourt, et que Belcourt Mustapha c'est le Gallia. Mais j'avais un ami, un velu, qui nageait au port avec moi et qui faisait du water polo à l'A.S.M. C'est comme ça que se décident les vies. L'A.S.M. jouait le plus souvent au champ de Manoeuvres, sans raison visible là encore. Le terrain avait plus de bosses qu'un tibia d'avant-centre en visite au stade Alenda (Oran). J'appris tout de suite qu'une balle ne vous arrivait jamais du côté où l'on croyait. Ça m'a servi dans l'existence et surtout dans la Métropole où l'on n'est pas franc du collier. Mais au bout d'un an d'A.S.M. et de bosses, on m'a fait honte au lycée. Un "universitaire" devait être au RUA. A cette époque le velu avait disparu de ma vie. Nous n'étions pas fâchés. Seulement, il allait maintenant nager à Padovani,où l'eau était impure. Pour tout dire, ses raisons n'étaient pas pures non plus. Moi je trouvais que sa raison était charmante mais qu'elle dansait mal, ce qui chez une femme me paraissait inacceptable. C'est à l'homme de marcher sur les pieds non ? Alors, le velu et moi, on s'est seulement promis de se revoir. Mais les années ont passé. Beaucoup plus tard, j'ai fréquenté le restaurant Padovani (pour des raisons pures) mais le velu s'était marié avec son poids lourd qui devait, selon l'usage, lui interdire de se baigner !

Où en étais-je ? Oui, le RUA. Je voulais bien y entrer, l'essentiel pour moi étant de jouer. Je piétinais d'impatience du dimanche au jeudi, jour d'entraînement, et du jeudi au dimanche, jour de match. Alors va pour les universitaires. Et me voilà gardien de but de l'équipe junior. Oui, cela paraissait tout simple. Mais je ne savais pas que je venais de contracter une liaison qui allait durer des années à travers tous les stades du département et qui n'en finirait plus. Je ne savais pas que, vingt ans après, dans les rues de Paris ou même de Buenos-Ayrès (oui,ça m'est arrivé) le mot de RUA, prononcé par un ami de rencontre, me ferait encore battre le coeur, le plus bêtement du monde. Et puisque j'en suis aux confidences, je puis bien avouer qu'à Paris, par exemple, je vais voir les matches du Racing Club de Paris, dont j'ai fait mon favori, uniquement parce qu'il porte le même maillot que le RUA, cerclé de bleu et de blanc. Il faut dire d'ailleurs que le Racing a un peu les mêmes manies que le RUA. Il joue "scientifique ",comme on dit, et scientifiquement, il perd les matches qu'il devrait gagner. Il parait que ça va changer (d'après Lefèbvre), au RUA du moins. Il faut en effet que ça change, mais pas trop. Après tout c'est pour cela que j'ai tant aimé mon équipe, pour la joie des victoires si merveilleuse lorsqu'elle s'allie à la fatigue qui suit l'effort, mais aussi

pour cette stupide envie de pleurer des soirs de défaites.

J'avais pour arrière le Grand, je veux dire Raymond COUARD. Il avait fort à faire, si mes souvenirs sont bons. On jouait dur avec nous. Des étudiants, fils de leurs pères, ça ne s'épargne pas. Pauvres de nous, à tous les sens, dont une bonne moitié étaient fauchés comme les blés ! Il fallait donc faire face. Et nous devions jouer à la fois "correctement", parce que c'était la règle d'or du RUA, et "virilement", parce qu'enfin un homme est un homme. Difficile conciliation ! Ça n'a pas du changer, j'en suis sûr. Le plus dur c'était l'Olympique d'Hussein-Dey. Le stade est à côté du cimetière. Le passage était direct, on nous le faisait savoir sans charité. Quant à moi,pauvre gardien, on me travaillait au corps. Sans Raymond j'aurais souffert. Il y avait Boufarik aussi, et cette espèce de gros avant-centre (chez nous on l'appelait Pastèque) qui atterrissait de tout son poids régulièrement, sur mes reins, sans compter le reste : massage des tibias à coups de crampons, maillot retenu à la main, genou dans les parties nobles, sandwich contre le poteau.. .etc... Bref, un fléau. Et à chaque fois, Pastèque s'excusait d'un "Pardon, fils "avec un sourire franciscain.

Je m'arrête. J'ai passé déjà les limites fixées par LEFEBVRE. Et puis je m'attendris. Oui, même Pastèque avait du bon. Du reste, soyons francs, nous lui avons rendu son compte. Mais sans tricher, car il est vrai que c'était la règle qu'on nous enseignait. Et je crois bien qu'ici je n'ai plus envie de plaisanter. Car, après beaucoup d'années où le monde m'a offert beaucoup de spectacles, ce que finalement je sais sur la morale et les obligations des hommes,c'est au sport que je le dois, c'est au RUA que je l'ai appris. C'est pourquoi le RUA ne peut pas périr. Gardez le nous. Gardez-nous cette grande et bonne image de notre adolescence. Elle veillera aussi sur la vôtre.

Albert CAMUS

le "RUA". Mercredi 15 avril 1953

Histoire du RUA:

http://www.cagrenoble.fr/Maurice%20Faglin/Maurice%20Faglin.pdf

Piscine Padovani-el Kettani - Copie

Picine El Kettani(anciennement Padovani) ...aujourd'hui

                     ....Et là...Piscine du RUA en 1950

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Commentaires
P
Bonjour chers Amis, je découvre le site...<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis né à ALGER len 1946<br /> <br /> Mon oncle Jean MIAULET faisait partie de l'équipe de Water-polo de MEKNES; il parait que MEKNES et le RUA se disputaient le totre de champion de l'AFN<br /> <br /> <br /> <br /> Quelqu'un se souvient-*il de Jean, photo ?<br /> <br /> <br /> <br /> Merci d'avance
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B
Bonjour , pour votre lien de la musique arabo-andalouse, une bonne adresse , que vous avez déjà publié, dans "Musique Algérienne" : <br /> <br /> http://www.okbob.net/article-musique-classique-algerienne-haouzi-58824997.html<br /> <br /> <br /> <br /> Musique Algéroise, par excellence.<br /> <br /> Bonne écoute<br /> <br /> Bob.
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R
Merci monsieur de votre réponse, inoubliable époque qui nous donnait tant de bonheur et d'amitiés. Vive le R.U.A. Toujours dans notre cœur.
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H
MON PERE MAURICE HABIBOU NE EN 1913 A ORAN A ETE UN DES RESPONSABLES DU RUA ET Y JOUAIT. IL A CONNU ALBERT CAMUS NE AUSSI EN 1913 ET ALLAIT AU MEME LYCEE A ALGER QUE LUI .AVEZ-VOUS DES PHOTOS OU DES RENSEIGNEMENTS A ME TRANSMETTRE A CE SUJET? <br /> <br /> AVEC MES REMERCIEMENTS. <br /> <br /> GUY HABIBOU
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R
J'ai 80 ans et j'ai toujours la "Larmouse" à l'oeuil, c'était le temps du bonheur, natation, volley, "bronzing", sur les blocs, merveilleux blog!!! un grand merci, le R U A restera un inoubliable souvenir ....!!!!!
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L
ma premiere belle famille etait d'ALGER c'etait des MOSCHETTI j'ai toujours plaisir à lire cette histoire qui n'est pas dans les livres
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R
Eh oui,georges,moi aussi je fréquentais les groupes laïques avenue Yusuf. C'était une jeunesse moins dorée qu'au RUA...mais nous avons eu une championne de natation,Heda Frost,sélectionnée 59 fois en équipe de France,championne de France 1962,sélectionnée aux jeux olympiques de Rome 1960....<br /> http://algerazur.canalblog.com/archives/2007/09/02/6074996.html
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G
Bonjour René<br /> <br /> Ce film sur la piscine du RUA, bien que très amateur, a du émouvoir bien de ses adeptes, maintenant si âgées !<br /> Les souvenirs de Camus lui donnent une image inoubliable .Personnellement je n'ai jamais rué dans ces eaux ! A propos. l'eau de cette piscine était-elle douce ou provenait-elle de la méditerranée de l'autre coté de la jetée ?<br /> C'est dire mon ignorance ! Il parait que bien "universitaire" cette piscine accueillait tous les jeunes qui voulaient y nager sans sélection (?). Ma piscine était celle des Groupes Laïques, où une jeunesse moins dorée mais aussi bronzée venait s'y ébattre ! En plus sur le chemin du retour j'avais toujours l'inévitable envie, le ventre creusé par la natation, de consommer un appétissant beignet ou un makroud dégoulinant de miel qui me faisait sucer mes doigts !<br /> Bon Dimanche ensoleillé !<br /> Georges.
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Algerazur
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  • ce blog est dédié à ma marraine Renée,décédée à l'age de 23 ans ,qui repose au cimetière d'hussein dey sur cette terre d'algérie ou je suis né.ce sera un lieu d'échange et de souvenir
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